samedi 23 novembre 2013

Etienne Daho, et si retrouver son innocence, c'était gagner en maturité ?


Un nouvel album de Daho est toujours un événement mais cette fois ci, c’est à plus d’un titre, puisque l’artiste a été hospitalisé 3 semaines cet été (les suites d’une péritonite qui a failli lui coûter la vie).

Son disque était prêt depuis le printemps, et  il aura donc fallu attendre jusqu’à  cette semaine pour découvrir  enfin Les chansons de l’innocence retrouvée. Daho avait hâte de le faire partager...

Voici donc un artiste requinqué et très inspiré qui nous livre ici un excellent album, continuant le chemin commencé avec l’Invitation (2007) : un album riche et multiple, introspectif et ouvert qui met en exergue  le côté plus sombre et plus serein d’un chanteur en constante évolution et ne s’endormant pas sur ses lauriers.

Il s’est beaucoup dit de cet album qu’il serait très dansant  : on pouvait donc s’attendre à quelque chose de léger. Mais c’était mal connaitre la qualité de l’écriture de notre french pop singer préféré.

Le premier single, les chansons de l’innocence a, pour le coup, totalement brouillé les pistes, tant par son titre que dans son rythme. Présenté en début d’été, il pouvait en effet  laisser imaginer un album très revival eighties et dansant.



Cette innocence là, n'est certes pas à prendre à la légère : derrière une musique parfois simple et pop, il faut savoir apprécier les textes graves d'un artiste en parfaite maîtrise de son art. 

Avec ce premier single, Daho a voulu faire un clin d'oeil vers son passé. On y retrouve des réminiscences de Epaule Tatoo  alors que  Un bonheur dangereux  rappelle le dernier jour du reste de ta vie.

Mais, loin de la fraîcheur de ce premier single,  ce nouvel opus est tout sauf à prendre à la légère. Dès la première écoute, vous serez sous le charme de l'omniprésence des cordes qui donne une dimension et un habillage symphonique aux chansons.

Daho est allé chercher, pour cela, Jean Louis Piérot, son complice de Paris Ailleurs (son plus gros succès, en 1991) qui a co réalisé et co composé les 11 titres.

Ensemble, ils ont enregistré avec 47 cordes au studio Abbey Road à Londres (où l’artiste avait loué un appartement pour écrire l’album).

Très inspiré par la soul qu’il écoute beaucoup en ce moment, Daho voulait produire une musique hédoniste (Edeniste ?) avec des cordes : une musique symphonique et groove à la fois, en quelque sorte. Le pari est largement réussi.

L’un des parfait exemple est Un Nouveau Printemps qui évoque le drame des migrants vers Lampeduza allant chercher un nouvel eden pour voir si la misère serait moins pénible au soleil. Le choix du Printemps fait quant à lui aussi référence au soulèvement des peuples arabes en quête de démocratie et de liberté.
Une phrase résume à elle seule toute la profondeur du texte « si la cause est belle, peu importe le but ».

Vous ne pourrez pas non plus passer à côté de Le Baiser du destin, magnifique chanson d’ouverture où les cordes prennent le pouvoir tel un chaos bien ordonné ; ou L'Homme qui mar­che, un parfait jeu de miroirs où même Narcisse se perdrait. Ce titre est interprété avec Francois Marry.

On connaissait Daho grand fan de Debbie Harry (il était d’ailleurs dans la salle lors de son concert londonien de juin dernier. Sur l’Etrangère, elle apporte la chaleur de sa voix grave à une chanson évoquant le New York des années 70 et ses artistes clandestins comme Basquiat.
Le tout est porté par le riff (en retrait) du guitariste Nile Rodgers dans une ambiance sombre et mélancolique. Daho cite même Call me et propose le très inspiré « contagieuse mélodie congédie sa mélancolie ».

Le guitariste de Chic apporte aussi son groove sur Les Torrents Défendus, énorme pièce maîtresse de ce nouvel album. Une orchestration riche et aérienne portant un texte fort et intense sur les années de rage de la jeunesse.

Le même thème est également développé dans La peau dure qui a été choisi comme nouveau single 



C'est un texte fort et dur sur les fêlures de la jeunesse mais il est aussi plein d’espoir. Fabriquer son rêve semble être l'un des thèmes que Daho ait choisi pour son disque. 

« C’est dans les mauvais livres que naissent les mensonges », cette phrase est tirée du titre Le malentendu, un autre grand moment de l'album.
La musique et ses arrangements rappellent, à la fois le Gainsbourg londonien époque Initials BB et un thème de comédie musicale : on a réellement l'impression de voir, devant soi,  les images d'un couple qui se déchire. Une chanson coup de poing comme pour dire que  la lucidité permet parfois de ne plus se mentir. 
Quand on se souvient que Daho a été beaucoup moqué pour la qualité de sa voix, dans ce titre (comme dans beaucoup sur l’album), elle a clairement  gagné en profondeur et en émotion. 

Terminons par En Surface, le magnifique texte sous forme de métaphore, offert par Dominique A à Etienne Daho. C'est le portrait juste et réaliste d'un homme qui a longtemps joué la légèreté pour ne pas voir la pesanteur de l'existence : Autobiographique, lucide ou juste observateur de la société, c'est aussi la chanson d'un artiste qui peut prendre le recul suffisant pour pouvoir l’interpréter.

C’est sans doute le titre qui définit le mieux ce que Daho voulait faire passer dans ce nouveau disque et, c’est paradoxalement la seule chanson dont il ne signe pas le texte

Au final, grave et sombre, entre groove et pop, l’album est la parfaite  synthèse de la carrière de l’artisteEtienne Daho prouve donc avec ce nouveau disque qu'il a encore beaucoup de choses à proposer et qu'il n'a pas fini de nous surprendre.

Qui s'en plaindra ?

L'innocence retrouvée est la légèreté que l'on perd tous ou que l'on pense avoir perdu. 

Mais si retrouver son innocence, c'était aussi gagner en maturité ? 





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