Un
nouvel album de Daho est toujours un événement mais cette fois ci, c’est à plus
d’un titre, puisque l’artiste a été hospitalisé 3 semaines cet été (les suites d’une péritonite qui a failli lui coûter la vie).
Son
disque était prêt depuis le printemps, et il aura donc fallu attendre jusqu’à cette semaine pour découvrir enfin Les chansons de l’innocence retrouvée. Daho
avait hâte de le faire partager...
Voici donc un artiste requinqué et très inspiré qui
nous livre ici un excellent album, continuant le chemin commencé avec l’Invitation (2007) : un album
riche et multiple, introspectif et ouvert qui met en exergue le côté plus sombre et plus serein d’un
chanteur en constante évolution et ne s’endormant pas sur ses lauriers.
Il
s’est beaucoup dit de cet album qu’il serait très dansant : on
pouvait donc s’attendre à quelque chose de léger. Mais c’était mal connaitre la
qualité de l’écriture de notre french pop singer préféré.
Le premier
single, les chansons de l’innocence a, pour le coup, totalement brouillé les pistes, tant par son titre que dans son rythme. Présenté en début d’été, il pouvait en effet laisser imaginer un album très revival eighties et dansant.
Cette innocence là, n'est certes pas à prendre à la légère : derrière une musique parfois simple et pop, il faut savoir apprécier les textes graves d'un artiste en parfaite maîtrise de son art.
Avec ce premier single, Daho a voulu faire un clin d'oeil vers son passé. On y retrouve des réminiscences de Epaule Tatoo alors que Un bonheur dangereux rappelle le dernier jour du reste de ta vie.
Mais, loin de la fraîcheur de ce premier single, ce nouvel opus est tout sauf à prendre à la légère. Dès la première écoute, vous serez sous le charme de l'omniprésence des cordes qui donne une dimension et un habillage symphonique aux chansons.
Daho est allé chercher, pour cela, Jean
Louis Piérot, son complice de Paris
Ailleurs (son plus gros succès, en 1991) qui a co réalisé et co composé les
11 titres.
Ensemble, ils ont enregistré avec 47
cordes au studio Abbey Road à Londres (où l’artiste avait loué un appartement
pour écrire l’album).
Très inspiré par la soul qu’il écoute
beaucoup en ce moment, Daho voulait produire une musique hédoniste (Edeniste ?) avec des cordes :
une musique symphonique et groove à la fois, en quelque sorte. Le pari est
largement réussi.
L’un des parfait exemple est Un Nouveau Printemps qui évoque le drame
des migrants vers Lampeduza allant chercher un nouvel eden pour voir si la misère serait moins pénible au
soleil. Le choix du Printemps fait
quant à lui aussi référence au soulèvement des peuples arabes en quête de
démocratie et de liberté.
Une phrase résume à elle seule toute la
profondeur du texte « si la cause est belle, peu importe le but ».
Vous ne pourrez pas non plus passer à côté
de Le Baiser du destin, magnifique
chanson d’ouverture où les cordes prennent le pouvoir tel
un chaos bien ordonné ; ou L'Homme qui marche, un parfait jeu de
miroirs où même Narcisse se perdrait. Ce titre est interprété avec Francois
Marry.
On connaissait Daho grand fan de Debbie Harry (il
était d’ailleurs dans la salle lors de son concert londonien de juin dernier. Sur
l’Etrangère, elle apporte la chaleur
de sa voix grave à une chanson évoquant le New York des années 70 et ses
artistes clandestins comme Basquiat.
Le tout est porté par le riff (en retrait)
du guitariste Nile Rodgers dans une ambiance sombre et mélancolique. Daho cite même Call me et propose le très inspiré
« contagieuse mélodie congédie sa mélancolie ».
Le guitariste de Chic apporte aussi son groove sur Les Torrents Défendus, énorme pièce maîtresse de ce nouvel album. Une orchestration riche et aérienne portant un
texte fort et intense sur les années de rage de la jeunesse.
Le même thème est également développé dans La peau dure qui a été choisi comme
nouveau single
C'est un texte fort et dur sur les fêlures
de la jeunesse mais il est aussi plein d’espoir. Fabriquer son rêve semble être
l'un des thèmes que Daho ait choisi pour son disque.
« C’est dans les mauvais livres que
naissent les mensonges », cette phrase est tirée du titre Le malentendu, un autre grand moment de l'album.
La musique et ses arrangements rappellent, à la fois le
Gainsbourg londonien époque Initials BB
et un thème de comédie musicale : on a réellement l'impression de voir, devant soi, les images d'un couple qui se déchire. Une chanson coup de poing comme pour dire que la lucidité permet parfois de ne plus se mentir.
Quand on se souvient que Daho a été
beaucoup moqué pour la qualité de sa voix, dans ce titre (comme dans beaucoup
sur l’album), elle a clairement gagné en profondeur et en émotion.
Terminons par En Surface, le magnifique texte sous forme de métaphore, offert par Dominique A à Etienne Daho. C'est le portrait juste et réaliste d'un homme qui a longtemps joué la légèreté
pour ne pas voir la pesanteur de l'existence : Autobiographique, lucide ou juste observateur de la société, c'est aussi la chanson d'un artiste qui peut prendre le recul suffisant pour pouvoir l’interpréter.
C’est sans doute le titre qui
définit le mieux ce que Daho voulait faire passer dans ce nouveau disque et, c’est
paradoxalement la seule chanson dont il ne signe pas le texte.
Au final, grave et sombre, entre
groove et pop, l’album est la parfaite synthèse de la carrière de l’artiste. Etienne Daho prouve donc avec ce nouveau disque qu'il a encore beaucoup de choses à proposer et qu'il n'a pas fini de nous surprendre.
Qui s'en plaindra ?
L'innocence retrouvée est la légèreté que l'on perd tous ou que l'on pense avoir perdu.
Mais si retrouver son innocence, c'était aussi gagner en maturité ?