jeudi 19 juin 2014

Quand Héloïse aborde les questions de genre, il ne s'agit en rien de théorie


La pop française cantonne trop souvent ses jeunes artistes dans des carcans : Une jeune chanteuse à voix doit faire des chansons à voix, et un jeune gitan ....doit faire de la musique gitane ! Et puis heureusement, de temps à autres, il en est autrement. 

C'est le cas d' Héloise Letissier et du projet, Christine and the Queens, avec lequel elle propose une musique electro pop teintée parfois de hip hop, différente par bien des aspects. 

Déjà remarquée l'an passé par les Inrocks, ce qui lui a valu de faire quelques premières parties (dont Stromae et Woodkid, quand même ) et d'être nommée dans la catégorie révélation scène aux Victoires, sur la base d'un seul EP 5 titres :

Composé de 4 chansons dont elle était auteure compositeur et d'une reprise du Photos Souvenirs de Sheller (ce qui laisse présager d'une culture musicale riche et multiple).





Un mini album qui contenait déjà 2 titres forts, mis en avant par deux très beaux clips.

Avec The Loving cup ( dansant et en anglais) et Nuit 17 à 52 (en français et en délicatesse), l’ambiguïté sexuelle et le travestissement apparaissaient déjà comme ses thèmes de prédilection . 

Cet EP avait été précédé par 2 autres sortis de façon confidentielle en 2011 . Le meilleur restait à venir ....

 


  Et puis, voilà donc enfin Chaleur humaine, le premier album d'une artiste libre de ses choix artistiques alternant les genres avec délicatesse, dans lequel l'ambiguïté sexuelle tient le premier rôle.

Une artiste différente, riche de multiples influences et de cordes à son arc : Après une formation théâtrale, elle écrit et compose,  indifféremment en français ou en anglais, allant même jusqu'à chorégraphier et scénariser ses clips.

Quand Héloïse aborde les questions de genre, il ne s'agit en rien de théorie.
Le thème de l’ambiguïté sexuelle ou du transgenre est abordée dès la première chanson, iT, ce qui donne d'entrée le ton à l’album.Un morceau presque hip hop, soutenu par une rythmique rappelant un certain king of pop.
Ce titre, Héloise le porte en elle depuis longtemps (le titre était présent sur son tout premier EP autoproduit ) ou peut être depuis aussi longtemps qu'existe sa quête intérieure : Qui suis-je ? comment trouver des semblables ? Pourquoi suis-je différente ?

L’anglais utilisé dans le morceau, s'avère être, comme l'utilisation du personnage de Christine, une façon de se cacher, de ne pas tout livrer.

Une chanson viscéralement autobiographique traduisant la quête initiatique qu'Héloïse a mené en 2010 à Londres où elle écumait les bars de travestis.

Il y rencontra 5 artistes qui lui ont appris à poser sa voix et à trouver sa voie : elle sera Christine, un personnage qu’elle se construit chanson après chanson et performance scénique après performance scénique. Et The Queens, ce sont ces 5 travestis.

Ce nom de scène si particulier est là pour rappeler que même seule (elle a fait ses premières scènes, seule avec son ordinateur), l’esprit de ses Queens est toujours là autour d’elle. 

La question de genre apparaît on ne peut plus clairement avec  « I’m a man, now », parce que « I’ve got iT » (on peut donc tout imaginer pour ce iT), completé plus loin par "there's nothing you can do to make her change her mind, she's a man, now".

Le thème se poursuit dans le morceau Christine où elle continue d’explorer toutes ces questions. Ce morceau est l'adaptation de Cripple, un de ses premiers titres.  
Une totale réussite, une rythmique haletante avec un pont murmuré  en mode rap
Elle prend soin de répéter « çà ne tient debout, sous mes pieds, le ciel s’effondre ». Cet homme qui est en elle, elle l'exprime avec une schizophrénique  justesse par la formule "Nous et la man, on est de sortie. Pire qu'une simple moitié, on est à demi demi".

Puis la trilogie se termine en Français – Anglais avec Half Ladies où tout est déjà dit dans le titre : Christine ne se sent pas qu’une femme. En l'écoutant, on se prend  même à trouver un peu suranné  le Sans contrefaçon de Farmer . Une sublime comptine mélancolique denoncant le regard des autres dans une société souvent intolérante.

Ce disque est donc très personnel, sans être impudique. L’Art sous toutes ses formes et les artistes ont toujours aidé les gens « hors norme » (mais après tout, qu’est ce qu’une norme ?) à s’assumer tels qu’ils sont : cet album est là pour çà. Elle les qualifie subtilement de "enfants bizarres". En confessant ses différences, Héloïse permettra à d’autres de moins souffrir. 

En écoutant le disque, on se rend compte que dans de nombreux morceaux, Anglais et Français se répondent et se croisent comme Christine avec ses Queens.
Il en est ainsi dans Saint Claude, choisi comme nouveau single et porté par un clip à l’esthétique chaleureuse et raffinée, illustrant un morceau à la fois séduisant et enivrant. 

Il résume à lui seul la richesse de ce que propose une artiste, aussi  à l’aise dans l’expression scénique que  la danse. Une fluidité dans le mouvement pour laquelle on l’a déjà comparée à Michael Jackson (tout de même !).





Ensuite, on lui a reproché la facilité de la reprise si mélancolique de Paradis perdus de Christophe. J’ai lu et entendu « c’était trop évident ». Je ne partage pas cet avis. Pour reprendre, il faut savoir interpréter et adapter : ici, c’est tout à fait le cas. Le titre est merveilleusement mis en valeur et colle avec l'ambiance générale.

Le titre de l'album est aussi celui d'un des morceaux. La découverte de la sexualité est abordée par la métaphore Chaleur humaine, écrit totalement en français, comme si, à la difference de plus tôt dans le disque, il fallait là, se livrer et parler sans crainte. 

Le disque se clôture par 3 morceaux plus sombres proposés en anglais. Des morceaux plus intenses, métalliques et  ténébreux, tour à tour galopants (Narcissus is back) ou enivrants (Here).

Un premier album qui confirme tout le bien qu'on pensait de Christine & the Queens : une artiste qui ne laissera pas indifférent et qu'on n'a pas fini d'entendre.


dimanche 8 juin 2014

Christine and the Queens live au Grand Journal

un magnifique live de Christine and the Queens au Grand Journal